Le blog de Franca

Franca Maï la singuière | Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi 18 mars 2010

A propos du cancer: Soleil aveuglant une nouvelle de Franca Maï

Crédit Photo: C.Peter (juillet 2009)

Allez, encore un effort Malva, il va bien falloir que tu la franchisses cette foutue porte !... quelques petits pas et tu as atteint le but, puis elle se refermera et la durée exigée sera de quatre minutes. C’est vite passé. Tu penses à ta fille adorée, ton amour, ta famille, tes amis et hop, le tour est joué !... ou bien... tu essaies de visualiser ton salon et tu te remémores chaque détail constituant son décor... tu verras... tu n’auras pas le temps de terminer l’inventaire, tu seras déjà ressortie...mais pourquoi la chaleur envahit-elle tes reins, tes aisselles, ton cou ? pourquoi es-tu si glacée ? pourquoi trembles-tu ? pourquoi cette envie de pleurer ?... tu vas t’allonger tranquillement, tu sais bien que la machine ne t’enserrera pas la tête, elle n’enveloppera que ton bassin. Tu auras tout le loisir de détailler cette pièce qui te paralyse, et tu n’y découvriras que du familier. Je comprends... tu préfères fermer les yeux. Mais je te rassure, les tiroirs qui s’alignent sur le côté ne sont pas des sarcophages, tu as trop d’imagination !... Allez, ferme les paupières, si cela peut t’aider !... Ce lieu est hermétique, sans écho. Tu peux crier, personne ne t’entendra. En cas de malaise, tu vois cette petite caméra, là... située au-dessus de la table .... tu fais un léger signe et l’une des manipulatrices te libère sur le champ. Tu as juste à bouger la main. Rien de bien sorcier. Tu étouffes ? ... Tu te sens moite, tes jambes sont ankylosées, la salive te manque, les palpitations te submergent ? ...

respire lentement Malva.

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mercredi 23 août 2006

La ligne blanche une nouvelle de Franca Maï

J’étais sur la ligne blanche. Elle défilait sur le macadam. De plus en plus rapidement. Les yeux rivés au sol, je ne la lâchais pas du regard. Elle m’hypnotisait. Pied sur l’accélérateur, je l’observais devenir un mirage de plus en plus flou. Aucune larme ne coulait sur ma joue. Juste cette envie de vitesse qui happait vers la spirale démente. Le vertige du trou noir.

Je l’entendais encore bien distinctement le bâtard : 350 licenciements. Nous délocalisons !... Destin pourri, à tenter de survivre pour manger !... Tu parles d’un but !... Courir après quelques pépites pour apaiser les ventres et dormir dans des cages à rats. Se coltiner des crédits à perpétuité et finir asphyxiés. C’était le lot de la majorité des humains. Et nous l’acceptions, l’échine basse et le pas lourd.

A l’annonce du patron, des collègues s’étaient écroulés sur leurs machines à broyer en vociférant des insultes, d’autres avaient pleuré silencieusement. Mais personne n’avait mis le feu à l’usine, trop anéantis par l’avenir encore plus caillouteux qui se dessinait implacablement. La vieille bâtisse s’était vidée par vagues et puis... ce silence assourdissant. J’ai pensé, enfin libre !... Je suis libre de mon temps.

J’ai commencé par respirer l’air et à regarder les arbres. Ca faisait un sacré moment que je n’avais pas humé la nature. Alors j’ai flâné, sans direction précise et je me suis retrouvée au bord d’une rivière à observer les barques vides et leurs promesses enchanteresses. Un couple de cygnes blancs a traversé mon champ de vision. Ils étaient majestueux et sereins. Je n’ai plus senti la petite boule d’angoisse latente en mon ventre. J’étais émerveillée par ce tableau apaisant. J’ai entendu un coup de fusil. L’un des deux palmipèdes s’est écroulé, long cou souple enfoui subitement dans l’eau verte, le plumage tâché de sang. Un homme sans âge se tenait devant moi, le visage hilare. « C’est beau tout ce rouge sur cet immaculé... Une œuvre d’Art ». La question est restée coincée dans ma gorge quelques secondes et lorsque j’ai crié « Pourquoi... bordel... pourquoi ? », déjà, il s’éloignait en sifflotant...

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mercredi 10 mai 2006

Mater Dolorosa une nouvelle de Franca Maï

Mater Dolorosa illustration: BAUR

Je les ai laissés faire. Disposer les meubles et les objets à leur convenance. Ranger mes affaires dans l'ordre qui leur convenait. Décorer à leur guise. J'ai juste restructuré la chambre car après tout c'est l'endroit où je dors et où je passe la majeure partie de mon temps. C'était une manière également de leur prouver un semblant de participation à ce cataclysme, car quel nom donner à un acte que vous accomplissez contre votre volonté. Moi, je ne voulais pas déménager. Ils m'ont forcée pour que nous soyons plus proches les uns des autres, pour que la famille soit de nouveau réunie. Mes petits-enfants pouvant me visiter plus facilement.

A vrai dire, les réunions dominicales autour des plats traditionnels dont j'ai le secret me sortent par les trous de nez et les mômes me fatiguent. Je ne supporte plus leurs cris, leurs rires de souris et leurs bagarres incessantes. J'en ai déjà élevé six. Je soulignerai, toute seule. Ce n'est certainement pas mon fainéant et alcoolique de mari qui m'était d'une grande utilité. Paix à son âme. Il est plongé dans l'éternité depuis plus de vingt ans. Bon débarras. Je l'ai enterré avec ses bouteilles. Vides...

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mardi 13 septembre 2005

Le pouvoir d'achat

une nouvelle de Franca Maï

Ils sont entrés en défonçant la porte. Cinq hommes parés comme des robocops. Je n’ai même pas eu le temps d’ôter le tablier qui enserrait ma taille. Mes mains étaient encore imbibées du produit gluant à vaisselle. L’assiette a valsé. J’ai été plaquée au mur sans ménagement. -Vous faites erreur ! Ma voix émettait des tremblements. Je ne la reconnaissais même pas. Comme si en un quart de seconde, je m’étais perdue dans une autre carcasse. -Ferme ta fosse à mensonges !

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mardi 28 décembre 2004

AVEC MA PERMISSION

Photo Quenneville

Ce matin, j’étais à mon balcon, bras ballants, noyée vers l’infini. J’ai entendu un cri strident. Ils étaient deux. Ils violaient une fille sur le terrain vague. Je n’ai pas bougé. Je suis trop fatiguée. J’ai regardé. Je n’ai même pas esquissé un geste vers le téléphone pour appeler de l’aide. J’ai regardé. Tout d’abord, en fermant à moitié les paupières. Les deux gus, bien charpentés, avaient l’air de s’éclater à mort. La nuque rasée lui tenait la tête et la pressait violemment contre le bas de son ventre tandis que le dégingandé la sodomisait. Mais ma vision était hachée à cause de mes fucking eyes enterrés. Alors j’ai agrandi mes pupilles au maximum et j’ai tout emmagasiné dans mon cerveau.

Il me semble que j’ai vu un corbeau passer. Mais il avait un bec jaune coupant et je ne sais vraiment pas si les corbeaux ont des becs jaunes ou verts. Le premier a joui dans sa bouche en râlant : « Elle est trop bonne ». La fille a profité de ce moment d’égarement intense pour se remettre à gueuler de plus belle. La garce. Mais ils ne lui ont pas fait de cadeau. Ils ont frappé avec leurs paumes, avec leurs poings et comme elle continuait à couiner, ils ont pris des pierres. Puis ils se sont sauvés en la laissant jupe relevée, la fleur béante chagrinée, en sang.

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lundi 27 décembre 2004

QUICKY

Nouvelle de Franca Maï

Avec l'aimable autorisation du Cherche-Midi

J'habite le long de la voie ferrée. Il y a des trains qui passent toutes les dix minutes. Ca pulse bien la tête. Ma femme m'a quitté, il y a cinq ans. Je suis toujours amoureux d'elle. Il faut comprendre Man que quand t'es largué par une femme, même la plus moche que la terre puisse porter, t'es un homme en demande. La mienne, elle était canon. Toute petite, fragile d'apparence, une taille plus fine que celle d'une gamine de douze ans, de longs cheveux couleur ébène et une bouche à croquer des tiges toute la sainte journée. Enfin, la mienne de tige et sa langue douce et suave, me manque à un point que ça crève le ventre! ... Elle crèche à cent bornes d'ici. Elle s'est maquée à un fonctionnaire, ça la rassure. Ils jouent au tennis tous les dimanches. Maintenant, elle se sent protégée, sa vie est réglée comme du papier à musique, mais moi, je sais au fond de moi-même, qu'elle s'ennuie à mourir. Il lui manque cette folie et cette montée d'adrénaline que nous partagions sur nos montagnes russes lui figeant le regard brillant d'une jolie chienne mouillée. Je sais qu'un jour, elle me reviendra. Pas comme avant, car plus rien ne pourra être comme avant. On ne peut pas être cocu avec le sourire. C'est dommage, ça réglerait beaucoup de problèmes. Je suis convaincu que je lui ferai de nouveau l'amour pendant de longues heures et qu'elle me demandera grâce. Ouais, j'espère ce moment avec impatience, minuscule salope. En attendant...

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