Enfin réunis, les deux enfants terribles de la littérature contemporaine, Andy Vérol et Franca Maï ont dédicacé en chair et en os leurs romans au château de Beaumesnil à l’occasion du quatrième Festival littéraire, le 14 Août 2010. Réputés pour leurs univers déjantés et leur prose au scalpel... Vous avez la possibilité de visualiser leur rencontre ICI
]]>Allez, encore un effort Malva, il va bien falloir que tu la franchisses cette foutue porte !... quelques petits pas et tu as atteint le but, puis elle se refermera et la durée exigée sera de quatre minutes. C’est vite passé. Tu penses à ta fille adorée, ton amour, ta famille, tes amis et hop, le tour est joué !... ou bien... tu essaies de visualiser ton salon et tu te remémores chaque détail constituant son décor... tu verras... tu n’auras pas le temps de terminer l’inventaire, tu seras déjà ressortie...mais pourquoi la chaleur envahit-elle tes reins, tes aisselles, ton cou ? pourquoi es-tu si glacée ? pourquoi trembles-tu ? pourquoi cette envie de pleurer ?... tu vas t’allonger tranquillement, tu sais bien que la machine ne t’enserrera pas la tête, elle n’enveloppera que ton bassin. Tu auras tout le loisir de détailler cette pièce qui te paralyse, et tu n’y découvriras que du familier. Je comprends... tu préfères fermer les yeux. Mais je te rassure, les tiroirs qui s’alignent sur le côté ne sont pas des sarcophages, tu as trop d’imagination !... Allez, ferme les paupières, si cela peut t’aider !... Ce lieu est hermétique, sans écho. Tu peux crier, personne ne t’entendra. En cas de malaise, tu vois cette petite caméra, là... située au-dessus de la table .... tu fais un léger signe et l’une des manipulatrices te libère sur le champ. Tu as juste à bouger la main. Rien de bien sorcier. Tu étouffes ? ... Tu te sens moite, tes jambes sont ankylosées, la salive te manque, les palpitations te submergent ? ...
respire lentement Malva.
''Tout d’abord, une poignée de main ferme et volontaire... un regard franc aux pupilles d’onyx et une énergie communicative irradiant d’humanisme, propulsant les tabous pour donner des ailes aux êtres ligotés. Cette femme, c’était Hamida Ben Sadia. Puis, depuis quelques mois, une voix au téléphone de plus en plus essoufflée et un corps encaissant les coups sur un ring déloyal, crachant des règles faussées. Et puis, un jour, le silence. Pesant. Injuste. J’espère que dans tes nuages, tu embrasses une sérénité méritée. Tu manques... Je dédie cette nouvelle à ta belle âme courageuse. F.M''
Allez, encore un effort Malva, il va bien falloir que tu la franchisses cette foutue porte !... quelques petits pas et tu as atteint le but, puis elle se refermera et la durée exigée sera de quatre minutes. C’est vite passé. Tu penses à ta fille adorée, ton amour, ta famille, tes amis et hop, le tour est joué !... ou bien... tu essaies de visualiser ton salon et tu te remémores chaque détail constituant son décor... tu verras... tu n’auras pas le temps de terminer l’inventaire, tu seras déjà ressortie...mais pourquoi la chaleur envahit-elle tes reins, tes aisselles, ton cou ? pourquoi es-tu si glacée ? pourquoi trembles-tu ? pourquoi cette envie de pleurer ?... tu vas t’allonger tranquillement, tu sais bien que la machine ne t’enserrera pas la tête, elle n’enveloppera que ton bassin. Tu auras tout le loisir de détailler cette pièce qui te paralyse, et tu n’y découvriras que du familier. Je comprends... tu préfères fermer les yeux. Mais je te rassure, les tiroirs qui s’alignent sur le côté ne sont pas des sarcophages, tu as trop d’imagination !... Allez, ferme les paupières, si cela peut t’aider !... Ce lieu est hermétique, sans écho. Tu peux crier, personne ne t’entendra. En cas de malaise, tu vois cette petite caméra, là... située au-dessus de la table .... tu fais un léger signe et l’une des manipulatrices te libère sur le champ. Tu as juste à bouger la main. Rien de bien sorcier. Tu étouffes ? ... Tu te sens moite, tes jambes sont ankylosées, la salive te manque, les palpitations te submergent ? ...
__respire lentement Malva. __ Prête pour ta première séance de rayons ?...
La porte se referme. Comme celle d’un ascenseur. Implacable. Tes tempes sont en panique. Une bouffée de chaleur envahit tout ton corps. Tu veux descendre de cette satanée table mais la bécane se met en route. Allez quatre minutes Malva, ça doit pouvoir se négocier avec ta trouille !... Pour l’instant, le scanner repère tes marquages, tu sais ces tatouages microscopiques que le manipulateur t’a dessinés au niveau du pelvis. Ils définissent la zone à embraser pour calciner le crabe qui loge en toi. Oui, tu as raison... compte... 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15... plus lentement. La machine a prévu cinq passages. Il t’en reste trois maintenant. N’oublie pas de respirer. Tu as envie de hurler. Vas-y... personne ne t’entendra. L’isolation est balèze. Allez, calme les battements de ton palpitant. Il faut le ménager. Le combat est rude mais tu vas le gagner. Tu n’as pas le choix.
Il faut que tu le gagnes. Derrière la porte, ta tribu solidaire se fait du mouron. Elle compte sur ta force. Comment ! ... tu te sens larve, nulle, pitoyable... On le serait à moins !... Ton ennemi est redoutable. Vicieux, retors, abject. C’est normal que le trac t’envahisse. Jauge et apprivoise la bête et tue-la. TUE-LA. Il te reste 34 séances de rayons et la chimiothérapie démarre après la pleine lune. Courage ! ...
Comment l’as-tu baptisé ton crabe Malva ? Virago-5. Tu as de l’humour, tu as raison, c’est l’une des clefs pour contrer et braver la tumeur. Garder le moral. Elle a horreur du rire humain. La musicalité de la gaieté lui file le blues. Tu as l’impression que le combat sera plus égal en la personnalisant au féminin ?... Deux femelles sur le « ring », c’est ainsi que tu l’entrevois ? ... Suis ton instinct. L’ambulancier roule gentiment. Ta sœur te masse la nuque. Ses mains douces témoignent de tout son amour pour toi. Elle se fait du souci. Tu as une heure de trajet pour atteindre l’hôpital. Une trêve qui te permet de te décontracter et d’entamer sereinement ta deuxième séance de rayons. Quoi ! ... tu ne veux pas y aller. Tu as peur de la porte qui se referme, du silence, de l’antre de Néfertiti. Je te l’ai déjà dit cette pièce ne contient aucun traquenard !... Juste un soleil dément qui brûle et crame ton corps.
Pense à la mer, au sable chaud, aux caresses de l’astre du jour. Déroute Virago-5. Pose-lui des leurres. Tu as conscience que cette foutue machine ne va pas t’avaler !... Sur ton carnet, tu vas pouvoir marquer ta deuxième croix. Plus que trente-trois séances. Ne craque pas ! ...
Te voilà harnachée comme une James Bond Girl. Un ceinturon à la taille sur lequel on t’a fixé un biberon relié directement à un cathéter. Alors Malva, tu t’es habituée à cette protubérance au creux de ton épaule ?... L’endroit même où poussent les ailes des anges !... Non !... tu abhorres cette excroissance... tu la trouves laide. Ta maigreur la rend trop visible. Pare-toi d’un joli chemisier, personne ne verra cet œuf disproportionné. Choisis du coton. Respecte les consignes, elles n’existent que pour adoucir ton calvaire. Ton traitement va durer deux longs mois. 80% de réussite !... Accroche-toi à ces chiffres. Pour la première fois, tu voudrais faire partie des moutons et rentrer dans les statistiques. Tu vas voir, bêler relève du possible. Observe... la chimiothérapie se distille dans tes veines et tu ne ressens rien pour le moment. Elle danse sans limites dans ton corps. Tu es chez toi. A la maison. N’est-ce pas miraculeux !... Se soigner en respirant dans ses propres murs. Oui, je sais, tu as également des séances complémentaires programmées à l’hôpital. Pour l’instant la Virago-5 continue à te faire souffrir. Tu ne peux pas t’asseoir et lorsque tu es allongée, elle prend un plaisir barbare à te supplicier. Elle ne sait pas ce que tu lui prépares. Elle va morfler la garce, crois-moi !...
Essaie de te reposer. Je compatis... tu es épuisée, elle en profite la traîtresse mais le duel ne fait que commencer. Elle sait sa force mais elle ne connaît pas la tienne. L’ambulance stationne sur le parking de la résidence. Elle t’attend. Allez Malva, plus que trente séances de rayons !... Quatre minuscules minutes dans la pièce sans fenêtres.
Malva, ma guerrière préférée, soixante interminables et pénibles jours ont fracassé ton destin !... Apprécie toutes ces croix ordonnées qui enrubannent ton carnet de rendez-vous dégraissant le temps avec ferveur !... La pyromanie de la chair, les brûlures, la peau qui chauffe tout en se desquamant, les nausées, les vomissements, le mal de mer, Basta !... Le pire vogue derrière toi maintenant. Le protocole est terminé. Tu es déshydratée, fourbue, sous perfusion à l’hôpital. Les dernières salves du traitement ont été d’une intransigeance redoutable. Il fallait bien faire plier la félonne !... Tu as mordu la poussière... mais ton petit cœur bat. Arachnéen et farceur. Il te prouve que tu appartiens encore au monde des vivants. A la chaleur humaine. Fais un immense bras d’honneur à la Vilaine car pendant que tu t’évertues à l’agacer, elle octroie du répit à d’autres âmes en souffrance. Alors, admire ce vrai soleil qui éclaire ta chambre d’une lumière blanche, aveuglante. Ce soleil qui te crie la beauté de la vie en livrant ses trésors. Pour combien de temps ?... Tu n’en sais strictement rien, mais n’est-ce pas le sort de chaque errant sur cette terre ?. Une loterie machiavélique.
__Pile ou Face. __ En attendant, déguste chaque minute avec gourmandise !... Vis intensément.
Franca Maï est l’auteur des romans Momo qui kills, Jean-Pôl et la môme caoutchouc, Speedy Mata, l’Ultime Tabou, Pedro, L’Amour Carnassier, Crescendo tous parus au cherche-midi Editeur. Momo qui kills et Jean-Pôl & la môme caoutchouc sont également parus chez Pocket Nouvelles Voix.
La biographie de Franca Maï les Lectures musicales de Franca Maï
Cette nouvelle a été publiée dans la revue CCAS infos N°310 (Mars 2010) (re) DECOUVRIR
HAMIDA BEN SADIA a écrit Itinéraire d’une femme française Pour Commander le livre d’Hamida
]]>Franca Maï l’invitée du Café des Arts à Verneuil sur Avre pour une présentation insolite de son oeuvre Le prochain café des arts de Verneuil-sur-Avre, qui se tiendra le vendredi 26 février à 19 heures, vous invite à rencontrer la romancière Franca Maï.
Avec ses mots qui cognent et son rythme endiablé, Franca Maï décortique les fêlures de nos contemporains au scalpel. Mais l’infinie tendresse qu’elle porte au genre humain l’entraîne dans des zones d’ombre où l’apprentissage de la tolérance met en danger tout préjugé.
Franca Maï l’invitée du Café des Arts à Verneuil sur Avre pour une présentation insolite de son oeuvre
Le prochain café des arts de Verneuil-sur-Avre, qui se tiendra le vendredi 26 février à 19 heures, vous invite à rencontrer la romancière Franca Maï.
Avec ses mots qui cognent et son rythme endiablé, Franca Maï décortique les fêlures de nos contemporains au scalpel. Mais l’infinie tendresse qu’elle porte au genre humain l’entraîne dans des zones d’ombre où l’apprentissage de la tolérance met en danger tout préjugé.
Un quart vietnamienne, elle est née dans le 14e arrondissement de Paris. Après avoir trouvé ses premières sources d’inspiration face aux vagues argentées de la côte de Nacre, elle a momentanément jeté l’ancre du côté de Saint-Lubin-des-Joncherets. De son métier d’écrivain, elle a dit un jour : « Mon plus grand bonheur en tant que romancière est de constater que les lecteurs qui se plongent dans mes romans ne les lâchent pas. Cette osmose naturelle ressentie, cerclée d’empathie avec les personnages, inclut également des hommes, des femmes, des adolescents qui n’ouvraient jamais un livre. Ma victoire personnelle est d’avoir donné le goût de la lecture à des hommes, des femmes, des adolescents qui fuyaient les bouquins. Découvrir le feu dans leurs pupilles est un pur cadeau. »
Franca Maï est l’auteur de sept romans : Momo qui kills, Jean-Pôl et la môme caoutchouc, Speedy Mata (sélection officielle du Festival de l’encre à l’écran), L’Ultime Tabou, Pedro, L’Amour carnassier et Crescendo, tous parus au Cherche-Midi éditeur. Elle est également comédienne, productrice et réalisatrice de courts métrages particulièrement décapants. Sur le site e-torpedo.net, qu’elle a cofondé, on peut lire et télécharger librement un certain nombre de ses nouvelles.
Le café des arts se réunit le dernier vendredi de chaque mois au premier étage du CAFE DE LA PAIX situé à l’angle de la place de la Madeleine et de la rue des Trois-Maillets. L’entrée est libre et gratuite.
Une nouvelle de la romancière Franca Maï à (re) découvrir
Café de la Paix 8 RUE THIERS 27130 Verneuil-sur-avre
Téléphone : 02.32.32.01.40
]]>Crédit Photo: Didier Delaine (2009)
Sous l’immense chapiteau dressé au pied de la cathédrale, Franca Maï dédicaçait ses romans au stand GERONIMO tenu par le libraire Jacques Fourès - l’âme élégante, cultivée et rebelle de la transmission littéraire- entouré de son équipe chaleureuse de passionnés.
"Ces mots qui dérangent" L’intitulé du salon de l’Eté du livre à Metz qui s’est déroulé les 5,6,7 juin 2009.
Crédit Photo: Didier Delaine (2009)
Sous l’immense chapiteau dressé au pied de la cathédrale, Franca Maï dédicaçait ses romans au stand GERONIMO tenu par le libraire Jacques Fourès - l’âme élégante, cultivée et rebelle de la transmission littéraire- entouré de son équipe chaleureuse de passionnés.
Instants forts, fusionnels, drôles où les Messins en promeneurs égarés, avides et curieux de découvrir des auteurs contemporains, partageaient des chapitres entiers, des farandoles de mots, des attirances livresques traversant des wagons de livres pour exercer d’une main tremblante leur choix définitif. Pur moment de bonheur partagé.
]]>Elles sont comme cela. Elles ont des fleurs dans la bouche qui s’ouvrent et se referment au gré d’un rien. Les lèvres humides se détachent parcimonieusement suivant le rire éclatant du vent, laissant entrevoir leurs petites dents nacrées, happeuses d’écorchures. Leurs pensées délabrées les épinglent en douceur dans un sommeil léger ou profond, tout dépend de la vitesse du train. Les distances sont longues quelquefois. Et souvent, elles s’offrent à mon regard. C’est pour cette raison que j’aime tant voyager...
Extrait Crescendo p 163/164
Elles sont comme cela. Elles ont des fleurs dans la bouche qui s’ouvrent et se referment au gré d’un rien. Les lèvres humides se détachent parcimonieusement suivant le rire éclatant du vent, laissant entrevoir leurs petites dents nacrées, happeuses d’écorchures. Leurs pensées délabrées les épinglent en douceur dans un sommeil léger ou profond, tout dépend de la vitesse du train. Les distances sont longues quelquefois. Et souvent, elles s’offrent à mon regard. C’est pour cette raison que j’aime tant voyager. En réalité, je n’ai nulle part où aller, je me laisse porter par mes errances, billets froissés dans la poche pour accéder à d’autres rails inconnus ou apprivoiser le trajet en sens inverse. Tout dépend de mon humeur. J’ai toujours un mal fou à repérer celle qui pourra satisfaire mes lubies, le jardin des fleurs étant si vaste, si coloré, si prometteur !... Et toutes ces bouches vernies, laquées, couleur chair à moitié déchirées ou offertes !..Quelquefois, elles se télescopent en pétales vénéneux faisant place à un énorme trou humide dans lequel je ne trouve plus ma place. Trop large. Lorsque je ressens cette sensation, je suis en rage. Des suées et des transpirations mouillent mon corps, collant inconfortablement mon pantalon à même la peau, tout en entravant ma marche. Je dois calmer mes nerfs entre deux wagons sinon je rate le plaisir sacré et c’est un voyage pour rien. Je n’aime pas gâcher ma semence...
CRESCENDO Un roman de Franca Maï Cherche-Midi Editeur (2009)
]]>Sulfureuse, peut-être cruelle, Franca Maï écrit "au scalpel", mais avec humanité. Seulement, cette humanité elle va la chercher, l’extraire du pire. Rien de naïf dans cette écriture-là. Lisez et acceptez d’être dérangés... La lettre de l’esperluète du 05 Avril 2009
Chartres : La librairie l’Esperluète reçoit ce samedi Franca Maï pour la dédicace de son dernier ouvrage Crescendo (Cherche-midi). Cette romancière résidant à Saint-Lubin-des-Joncherets, a écrit un texte fascinant sur le thème de l’euthanasie. Dans son style percutant, Franca Maï entraîne le lecteur sur la piste d’une imposture survenue à la suite d’un accident de la route mortel. La narratrice se fait passer pour une amie de la victime. Quel rapport avec l’euthanasie ? Laissez-vous balader par cette écrivaine de talent qui signe le plus étonnant de ses sept romans. Une lecture musicale de Crescendo est programmée pour le mois de mai. L’écho Républicain N°20.167 du vendredi 10 Avril 2009 LE SAMEDI 11 AVRIL DE 15H à 19H à LA LIBRAIRIE L’ESPERLUETE 10 rue Noël-Ballay 28 000 Chartres
Sulfureuse, peut-être cruelle, Franca Maï écrit "au scalpel", mais avec humanité. Seulement, cette humanité elle va la chercher, l’extraire du pire. Rien de naïf dans cette écriture-là. Lisez et acceptez d’être dérangés... La lettre de l’esperluète du 05 Avril 2009
]]>Choisir sa mort signifie que l'on se donne la possibilité de la regarder en face en lui faisant un bras d'honneur. L'euthanasie est un chemin très personnel. Il n'est pas invraisemblable que légiférer une loi sur l'euthanasie, dans ce monde actuel basé sur le tout économique ouvre une porte unique au règne des bien-portants et soit sujet à des abus non choisis par des malades. De plus, donner un tel pouvoir à un Etat peut demain se retourner contre les plus faibles. L'idéal serait de pouvoir mourir quand on le désire avec des choix plus conviviaux et imaginatifs qu'une chambre d'hôpital et une seringue.
La République du Centre du Vendredi 30 janvier 2009 entretien mené par Valérie Baudouin
Regarder la mort en face et lui faire un bras d'honneur...
Valérie Baudouin:'' Qu'est ce qui a été à l'origine du choix du thème central de votre livre, je veux parler de l'euthanasie? ''
Franca Maï: L'euthanasie est un sujet que d'aucuns abordent avec des pincettes et des pudeurs récurrentes liées à une seule et unique peur: la mort, cette grande traîtresse qui happe sans prévenir. Choisir sa mort signifie que l'on se donne la possibilité de la regarder en face en lui faisant un bras d'honneur. L'euthanasie est un chemin très personnel. Il n'est pas invraisemblable que légiférer une loi sur l'euthanasie, dans ce monde actuel basé sur le tout économique ouvre une porte unique au règne des bien-portants et soit sujet à des abus non choisis par des malades. De plus, donner un tel pouvoir à un Etat peut demain se retourner contre les plus faibles. L'idéal serait de pouvoir mourir quand on le désire avec des choix plus conviviaux et imaginatifs qu'une chambre d'hôpital et une seringue. Il faut bien comprendre également qu'un malade en état de grande souffrance peut changer d'avis plusieurs fois dans la journée, suivant son état de fatigue. L'amour qui l'entoure ou non, peut retarder également sa décision. Lui seul sait et sent quand il est prêt à prendre ce train de non-retour. La mort ne doit pas être une industrie, chaque cas est unique.
Quel est le message que vous avez voulu faire passer dans votre livre autour de ce thème qui revient souvent, en ce moment, dans l'actualité?
Dans Crescendo, plusieurs personnages s'expriment à ce sujet. J'espère que ce roman fera réfléchir sur la vie si précieuse que nous malmenons à force de ne pas l'apprécier.
Y a-t-il une part de vous même dans l'une ou l'autre des personnages féminins ou dans plusieurs d'ailleurs?
Dans chaque roman, tout écrivain laisse une part de lui-même consciemment ou non. L'écriture est une alchimie particulière qui peut dépasser son créateur. Elle peut même être prémonitoire. Mais l'écriture est le seul vrai espace de liberté. J'aborde toujours des thématiques difficiles mais le choix du récit romanesque et le rythme dense d'un langage contemporain permettent de les rendre accessibles. Les lecteurs s'identifient à des personnages faits de chair, d'ombres, de luminosités, de complexités dans lesquels ils se retrouvent à un moment donné. Ils peuvent donc s'adonner à une réflexion approfondie, sans gêne ni tabou.
Au delà du thème de l'euthanasie, vous abordez également les relations entre les hommes et les femmes, la notion de rapport entre bourreau et victime apparaît tout au long du livre. C'est un thème que vous aviez abordé dans l'un de vos films. Ce sujet vous préoccupe-t-il?
Le rapport dominant-dominé est l'un de mes thèmes favoris. Je l'ai développé plus particulièrement dans mon roman « Jean-Pôl et la môme caoutchouc » où je traitais de la guerre du Vietnam. Il faut bien comprendre qu'il y a toujours un moment où le dominé prend le dessus. Le dominant n'étant pas infaillible. Cet instant existe. Au travers mes romans, j'espère insuffler ces graines de résistance qui font qu'un sale destin peut se transformer en jolie vie .
Le sujet est grave, pourtant on a presque l'impression d'être dans un conte de fée. Pourquoi ce parti pris?
Parce-que nous sommes des éternels enfants et que nous avons besoin de rêver (sourire) Un conte de fée pour adultes, c'est un soleil qui entre dans la maison et aide au quotidien.
Quelle est votre actualité en ce moment?
Je prépare un tour musical littéraire d'une cinquantaine de minutes. Je me suis entourée de Di2 compositeur déjanté classico-noïse, Sirieix du groupe Rock « les trois fois rien », Tof du groupe anarcho-punk « Miss Hélium », et Manuji bassiste et sorcière des bois. J'ai déjà testé quelques extraits dans des salons littéraires et je me suis aperçue que les mots prenaient une toute autre dimension. Hypnotique.
Vous serez en séance de dédicace à la Rose des Vents,est-ce un moment que vous appréciez?
Ce sont des moments privilégiés de partage. La lecture et le ressenti des lecteurs me livrent parfois des clefs. Cet échange est très enrichissant. J'aime ces rencontres.
Franca Maï Crédit Photo Didier Delaine
]]>J’ai passé l’après-midi avec Malou Maillebôt. Trentenaire, mère de deux enfants, Loubna et Fredo, qu’elle élève seule depuis que Dino est parti « pour une femme épinglée sur un site de rencontres ». Le schéma familial était sensiblement identique dans le roman « Speedy Mata », qui présentait Mata, élevée par sa mère depuis que celui qu’elle qualifiait de « vraie larve » les avait abandonnées. Alors Franca, pourquoi ce choix permanent de familles monoparentales ?
- Franca Maï : La confrontation aux familles monoparentales devient une évidence dans ce monde déshumanisé et soulève le couvercle d’une solitude glaçante. Beaucoup d’humains vivent dans un désert affectif sidéral. Femmes ou hommes, élèvent de plus en plus souvent des enfants, seuls, se dépêtrant tant bien que mal avec leurs propres angoisses. Lorsque je rencontre par exemple, certaines femmes qui misent tout sur leur progéniture, confondant le fils avec le petit garçon, le confident et l’amant virtuel, le plaçant dans la position inconfortable de la « multiple casquette » au détriment de l’enfance, je me demande toujours quel type d’adulte se profilera à terme. Dans Crescendo, mon dernier roman, Malou Maillebôt est un soleil aux rayons régénérateurs. Elle est l’antithèse de l’immobilisme et prouve que rien n’est définitif, tout peut bouger.
Ce sont des femmes qui vivent difficilement d’emplois instables et peu rémunérateurs. Malou rêve de partir en vacances avec ses enfants mais il y a la coupure d’électricité (l’absurdité des échanges avec la hot line EDF – GDF est déconcertante de réalisme), les deux mois de cantine à régler… et cette augmentation qui est refusée. Les scènes qui évoquent la dureté de la directrice d’école et du patron d’entreprise sont d’une triste justesse. Mais Malou tourne les talons ; donne sa démission. Des actes simples qui deviennent héroïques de nos jours ?
- Cette coupure d’électricité déconcertante de réalisme, je l’ai vécue en live (rires). Je crois que le système capitaliste, basé sur l’endettement des pauvres et les profits non partagés, a achevé la lucidité des humains. Si on prend le temps de souffler et de réfléchir, on comprend que cette monstruosité individualiste n’est pas viable. Elle mène à la destruction des êtres et du libre arbitre. Personne ne peut s’épanouir dans la course « aux factures à régler ». La quête matérialiste de ce siècle est un leurre et ne transcende pas le bonheur. Dans Crescendo, mon dernier roman, Malou donne sa démission, non pas par héroïsme, mais par une conscience aiguë de ce qu’elle ne veut pas ou ne veut plus vivre. Elle sait que ses rêves secrets peuvent se réaliser. Elle prend sa destinée en main, en optant pour le courage de contourner la route tracée. Défricher.
La suite de l'interview ICI
]]>Franca Maï écrit comme elle respire. Ses courts chapitres sont des battements de cœur qui parfois s'emballent, puis se calment, mais pas trop souvent. Car les romans de cette écrivain résidant à Saint-Lubin-des-Joncherets ne laissent pas de place à la mièvrerie. Ils sont tout sauf anodins. L'Amour carnassier, son dernier opus, laisse le lecteur haletant, interrogatif parfois face au changement de narrateur, effrayé souvent par la violence des faits et des mots, admiratif toujours devant cette peinture réaliste de la société...
Franca Maï photographiée par Didier Delaine (2008) Agence Koboy
Notre société vue par une adolescente de 14 ans. C'est le dernier roman de Franca Maï: L'AMOUR CARNASSIER
Franca Maï écrit comme elle respire. Ses courts chapitres sont des battements de cœur qui parfois s'emballent, puis se calment, mais pas trop souvent. Car les romans de cette écrivain résidant à Saint-Lubin-des-Joncherets ne laissent pas de place à la mièvrerie. Ils sont tout sauf anodins. L'Amour carnassier, son dernier opus, laisse le lecteur haletant, interrogatif parfois face au changement de narrateur, effrayé souvent par la violence des faits et des mots, admiratif toujours devant cette peinture réaliste de la société.
Discussion avec Franca Maï, la révoltée, dont la plume appuie là où ça fait mal.
- C'est votre sixième roman en autant d'années publié chez le même éditeur, est-il difficile de tenir ce rythme ?
- Non car c'est presque naturel. J'ai commencé l'écriture assez tard, j'avais 40 ans, et ce sont quarante années de plein qui sont en train de se dégager. Je trouve au {Cherche-midi} le regard de {Pierre Drachline} qui est très important. J'ai conscience de vivre avec lui les belles heures de la littérature car c'est quelqu'un qui l'aime vraiment. Il a un grand respect de ses auteurs. Nous avons une vraie complicité littéraire et artistique.
- En quoi L'Amour carnassier se différencie-t-il de vos autres ouvrages ?
C'est la première fois que je place dans un roman, des éléments biographiques. La forme narrative est la deuxième chose qui change. Lou, une gamine de 14 ans un peu spéciale s'ennuie dans cette campagne plate à mourir. Elle cherche le feu, la lumière en regardant les maisons. On les traverse. Et à chaque fois qu'on en pénètre une, je parle à la première personne. On vit ainsi au rythme de chaque personnalité des maisons, ce qui peut être un peu déroutant au départ pour le lecteur. Mais une empathie se crée.
« Le message, c'est l'utopie »
- Quel effet ont ces observations sur votre personnage principal ?
Lou ne sait pas à quel point elles vont être importantes pour son futur. C'est une espèce d'initiation auprès des adultes. Elle apprend la passion destructrice, puis l'humanité, la xénophobie, le racisme, l'intolérance du voisinage à travers une rescapée de la Shoah. Ces expériences, ajoutées à celles qu'elle vit dans sa propre maison, vont la faire grandir et prendre le chemin de la liberté. Il est ensuite intéressant de voir ce qu'elle va en faire...
- Et alors ?
Dans la vie il y a phénomène de cycles. Vous fuyez un endroit et vous allez vous y retrouver sans savoir pourquoi. Je voulais faire vivre ça à Lou. Et c'est en retrouvant ce havre de paix dont lui parlaient ses parents, qui la débectait au départ car c'était celui de la soumission, que va démarrer son utopie. C'est contradictoire, mais c'est là qu'elle va trouver la clé de sa propre sérénité.
- En revanche, vous conservez le rythme de chapitres courts ?
C'est une musicalité, un rythme qui rend mes romans très contemporains car mes lecteurs vibrent au rythme réel des personnages. Tous me disent, dès qu'on a votre livre entre les mains, on n'arrive pas à le lâcher. Et cela tout en leur faisant passer des sales destins. Sur mes six romans, je me rends compte que j'ai parlé quatre fois de l'adolescence, car c'est là que tout se joue, que l'on trouve le plus de chutes libres. Mais c'est au moment où les adolescents cherchent une autre lumière qu'ils vont prendre le chemin. C'est un important de donner le feu au travers de la littérature.
- C'est le message principal de L'Amour carnassier ?
Le message, c'est l'utopie, au sens noble du terme. Car sans elle, à quoi ça sert de vivre ? Si vivre c'est manger, dormir, travailler...
Or, nous sommes dans une société où on casse les rêves.
On casse toutes velléités de liberté et de lumière. Pour moi, les derniers bastions de résistance sont importants. Ils ne sont plus dans l'image qui a été détournée dans des codes de bienséance télévisuelle mais encore dans la littérature et sur Internet. Nous sommes dans un marché terrible où la biographique politique et le roman de gare endorment toute forme de combat.
- Mais les lecteurs y vont de leur plein gré.
Non car lorsqu'on leur propose autre chose, ils y vont. Les librairies indépendantes font un super travail à ce niveau. Mais cela demande d'être actif. C'est plus rassurant de rentrer chez soi et d'appuyer sur un bouton.
- Dans vos romans, vous avez une vision très noire de la société ?
Il y a dans mes livres, un constat et une dénonciation, une grande critique de cette société de consommation qui a engendré un individualisme terrifiant. C'est vrai que j'ai toujours cette recherche.
- propos recueillis par Gérald Massé
Pour l'Echo Républicain du Vendredi 7 Mars 2008 N°19.833
L'Amour Carnassier roman de Franca Maï ISBN n° 978 2 7491 0972 5 204 pages 14 x 21, 14 € ttc France (2008)
]]>..Pauvre tâche, tu oses me demander avec ton masque de bienveillance
comment je vais alors que pendant tous ces longs mois, tu te fichais bien de savoir si je bouffais ou si je crevais la gueule ouverte. Lorsque je suis venue voir ton mari pour lui demander de m’aiguiller sur un autre emploi, il m’a répondu : « la société n’a que faire de pièces détachées. Il n’y a pas de place pour vous...
extrait de l'Amour Carnassier cherche-midi éditeur sortie prévue le 10 janvier 2008
Pauvre tâche, tu oses me demander avec ton masque de bienveillance comment je vais alors que pendant tous ces longs mois, tu te fichais bien de savoir si je bouffais ou si je crevais la gueule ouverte. Lorsque je suis venue voir ton mari pour lui demander de m’aiguiller sur un autre emploi, il m’a répondu : « la société n’a que faire de pièces détachées. Il n’y a pas de place pour vous. Il n’y a pas de place pour vous. Vous appartenez au pourcentage de rebuts que nous pouvons tolérer et assumer...Il existe le RMI » Textuellement.
SOLIDARITE-RESISTANCES-HARMONIE SOLEIL ROUGE 2008
source: site FM
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