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Franca Mai la singuliere
Webzine E-novateur

Survie Au Pays des Rizières

L’histoire se déroule en pleine guerre d’Indochine. Le héros, Jean-Pôl est un jeune quarteron d’origine indochinoise. Vivement sollicité par l’Armée Française, il décide de s’engager et espère secrètement partir à la découverte de son moi intérieur, de ses origines quelque peu obscures.

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Autant être honnête dès le début et avant de vous encourager à vous procurer le dernier roman de Franca Maï, Jean-Pôl et la môme caoutchouc, je préfère vous prévenir en vous disant que ce livre déroutant n’a rien d’hilarant, qu’il risque de choquer un bon nombre d’esprits. Vous promettre qu’une fois lu, vous oublierez automatiquement ces pages serait pur mensonge. Ce livre est dur, très dur, et vous n’en sortirez pas indemnes.

Grâce à de courts chapitres, l’auteur nous transporte quelques années en arrière, au cœur de la folie des hommes. Les jaunes contre les blancs. La guerre. La cruauté. Les atrocités.

Franca Maï nous fait revivre de façon provocante ce moment d’histoire que bon nombre de personnes souhaiteraient effacer de leur mémoire. Au fil des pages, nous faisons la connaissance de Jean-Pôl, timide garçon perdu en quête d’identité sociale : « mon prénom, c’est Jean-Pôl, mais si je pouvais m’oublier, perdre jusqu’aux contours de mon visage, j’effacerais tout et je me réincarnerais en vermisseau ». Il n’est autre le résultat que d’une mère prostituée, « Mala, femme aux cheveux ébène » ancienne toxico et d’un père « envolé » du jour au lendemain. Alors il tente de survivre. Il s’accroche. A quoi, on ne le sait pas vraiment : peut-être à la mort, à l’amour, à la vie. Car jusqu’à maintenant on ne peut pas dire que notre héros ait été heureux, bien au contraire, il porte sur son front une étiquette marquée « Mal aimée ». Le voilà au milieu d’une rizière entouré d’hommes ne vivant que dans la Haine et le non respect de la femme asiatique, prêts à tout pour obtenir un quelconque renseignement : « on va abuser un peu de cette chienne. J’adore les femmes silencieuses et soumises.(...) Ils l’ont violée tour à tour, rapidement, se vidant de leur venin, dans l’urgence ».

Franca Maï s’en fiche de plaire au public en employant ou non des mots doux. Elle choque.

-Ses termes sont crus mais est-il possible de faire autrement pour décrire l’horreur ?

Je ne crois pas.

La romancière a accompagné jusqu’au bout ses différents personnages, montrant toutes les facettes de leur personnalité : passant de l’horreur à la pointe d’espoir grâce au sentiment amoureux. En effet, Jean-Pôl se verra confier la garde d’une jeune prisonnière vietnamienne, torturée et violée par des soldats. Cette jeune fille dont on ne sait pas très bien distinguer si elle femme ou enfant, sera non seulement le premier mais l’unique amour de notre héros. Alors oui, ce livre secoue, oui vous aurez envie de le jeter à plusieurs reprises au fond de la poubelle, mais une chose est sûre, c’est que quoiqu’il arrive vous ne pourrez vous empêcher d’arriver à la dernière phrase, car l’envie de comprendre sera plus forte que tout.

Une dernière chose, mille bravos à vous, Franca Maï car de manière détournée et très habile vous avez su mettre en valeur le rôle et l’importance de la femme que nul ne peut nier.

Franca Maï a déjà publié, au éditions du Cherche-Midi Momo qui kills. Jean-Pôl et la môme caoutchouc est son deuxième roman.

Rentrée littéraire 2003

Par Bérangère Eandi

Jean-Pôl et la Môme caoutchouc
(GIF) Franca Maï

cherche midi

ISBN n° 2 74910 129 8

132 pages 14 x 21

11 €