Le blog de Franca

Franca Maï la singuière | Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

lundi 31 janvier 2005

Jean-Pôl & la môme caoutchouc (extrait)

La rizière est à son apothéose. Des fusées, des lance-flammes, de la fumée noire et un soleil rouge l’habitent. J’étouffe, je suffoque. Une bière…Je veux une putain de bière. J’exige un bock. Sur-le-champ.

J’ai la fièvre, pour sûr. J’ai froid. Je tremble. Mes doigts sont engourdis. Mon corps est en crampes.

Je vais crever, c’est sûr. Je vais crever comme un chien et personne n’entendra mon cri. Les avions se chargent de garotter le moindre son humain. Le ronronnement de leur moteur et de leurs hélices nous habitue à une satanée rengaine d’hypnose.

-Y’a personne dans cette eau pourrie ? Vous m’entendez, les copains !… Personne à part les cadavres qui m’entourent et moisissent !… Instituteur Mêlhaut, tu serais fier de moi !… Mes racines, je me les bouffe jusqu’à la lie. Mon ventre va exploser, tellement je me les mange.

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Clara Vincent: Poète mystique

Clara Vincent gravement malade passe la frontière doucement mais sûrement, pour rejoindre les anges. Je vous livre ici un de ses poèmes

Nous avons l'intention

D'un monde d'Amour

Où soleils et brumes

viendraient s'harmoniser

Quand ma bande à moi

Se ferait inviter

Par ceux-là de là haut

Conscients de "comme un décalage"

J'ai comme l'espoir insensé

Que le Nord aimant le Sud

On conviendrait d'un accord majeur

En dehors des conneries

De nos géniteurs guerriers

J'ai comme une confiance immense

Que les rouages biaisés de leurs pensées vieilles

Seront balayés d'un coup d'intelligence

Accordée à notre coeur

Extraits de : "CHINOIS DE TES CHEVEUX"

et vous invite à découvrir son site et son oeuvre.

Enfant de la dass, ayant toujours lutté dans son corps, la faucheuse ne lui épargne aucun répit. Des pensées magiques pour Clara.

vendredi 28 janvier 2005

Jeu de Photos par Philippe Matsas Agence Opale

SPEEDY MATA selon Le Monde des livres LE MONDE du Vendredi 28 Janvier 2004

Photo: Philippe Matsas agence opale

Parce-que « le monde dans sa superbe marche sur les SDF en s'habituant aux borborygmes de leurs ossements » Mata préfère « partager les feux follets engendrés » plutôt que de « gagner de la thune pour engranger et (se) payer des baraques ». C'est dire qu'il faut s'accoutumer au langage de Mata qui adore sa mère, se prostitue pour éviter l'huissier, tue « un gus... comme on bute un soleil noir qui dissimule la clarté », traîne ses 16 ans dans sa triste banlieue. N'étant un peu trop de métaphores et quelques banalités sur le matérialisme, ce roman accroche. Pour traduire les sentiments des adolescents qui veulent comme se désengluer du présent, Franca Maï a des qualités d'écriture évidents qu'on attend dans un roman plus dense, plus nourri. P.R.L

Speedy Mata Franca Maï Cherche-Midi Editeur

jeudi 27 janvier 2005

Hubert Selby Junior: Les tours de manège du souffle de la mort

Et puis un jour, vous avez rendez-vous avec le Démon.

Au bout de quelques chapitres, vous prenez conscience de ne plus pouvoir regarder le monde avec des yeux éteints. L'autel du désespoir et des ténèbres vous épingle implacablement. La mort flirte avec vos os. Elle s'installe dans le froid glacial d'une chimérique humanité. Vous plongez dans l'urgence.

Hubert Selby Junior, l'auteur américain de ce roman maudit est un homme qui a échappé quatre fois à la faucheuse.

Né en 1928 - un an avant l'effondrement de la bourse et la Dépression prévisible résultante- il s'éteint le 26 Avril 2004 à Los Angeles, dans une modeste maison du quartier de Highland Park, bourrée de livres et de musique, répudiant convulsivement l'écran de neige pour ne pas perturber ses songes.

Dans un quasi-anonymat.

L'une des plus grandes voix de la littérature Yankee de ce siècle, l'auteur majeur surnommé « le Céline américain » idole de la culture Rock, crève seul, abandonné, oublié par ses éditeurs et compatriotes.

Dès sa naissance à Brooklyn, il est étranglé par le cordon ombilical de sa mère. Pendant 36 longues heures, il lutte. Les médecins diagnostiquent une cyanose et des dommages cérébraux provoqués par le manque d'oxygène dans le cerveau.

A peine débarqué sur terre, Selby étouffe déjà.

Bazardant ses études, il s'engage dans les Marines à l'âge de quinze ans et bourlingue au travers le monde, suivant fidèlement les traces d'un père alcoolique mais vénéré. A dix-huit ans, il contracte une tuberculose. Ce jeune homme athlétique se transforme alors en vieillard en sursis. Quatre années, cloué à un lit d'hôpital, font fondre ses quatre-vingt cinq kilos et son mètre quatre-vingt, pour laisser place à un spectre au corps dépossédé d'un poumon et de dix côtes. Souffle coupé.

Rendu à moitié sourd et aveugle par les débuts hasardeux de la streptomycine, Selby appréhende le monde, en apnée versatile.

Soutenu par son ami, Gilbert Sorrentino, qui le guide dans le chemin initiatique qu'est la lecture, il découvre Dostoïevski, Chandler, Hammett, Conrad, Shakespeare etc...

Dérivant dans les eaux troubles de l'alcool, la drogue et la dépression, à 28 ans il est condamné à mourir définitivement, mais lors de cette expérience qu'il qualifie d'ultime, il s'achète une machine à écrire. Il connaît les lettres de l'alphabet. Il sera écrivain.

Il commence l'écriture -en 1959- de son premier roman « Last exit to Brooklyn » qu'il mettra six années à accoucher. Un recueil de six histoires noires et sans espoir. La lente autodestruction de personnages plongés dans un univers terrorisant.

2 millions d'exemplaires vendus. Ce roman-culte fouette l'Amérique puritaine, en pleine face, la laissant sonnée sur le macadam. Sans respiration.

« Last exit to Brooklyn » fait l'objet d'un procès pour obscénité en Angleterre et se retrouve banni en Italie.

L'Amérique aseptisée a la dent vengeresse et la main longue.

Les trois autres romans qui suivront « La Geôle »(1972) « Le démon » (1976) et « Retour à Brooklyn -Requiem for a dream (1978) » seront des échecs. La presse américaine, en bonne fille obéissante, ira jusqu'à utiliser le terme « sordidisme » pour illustrer l'oeuvre de Selby.

Mettant en scène un personnage récurrent, Harry, Selby souligne avec obsession - au rythme d'un phrasé épileptique cerclé de poésie hallucinée- l'hypocrisie d'une société qui mène une guerre contre la drogue en abrutissant son peuple de drogues légales et médicamenteuses.

Tous ses romans témoignent de sa vision quasi mystique du Mal, tout en injuriant copieusement un Dieu conflictuel. La faillite d'un monde déshumanisé.

Selby ose désacraliser le rêve Américain. Il le paie chèrement. Il est marginalisé.

Rayé dès lors, des maisons d'édition, il sombre dans la misère pendant plus de quinze ans, ne devant son salut qu'à sa maigre pension militaire d'invalidité.

En 1999, le succès de son conte de Noël destroy « Le saule » en Angleterre et en France et l'adaptation cinématographique de « Retour à Brooklyn » Requiem for a dream de Darren Aronofsky , offrent une nouvelle respiration à Selby.

Il a été marié trois fois et a eu quatre enfants.

Il s'est enfui du monde un matin gris peau de souris, toujours en quête de l'air qui lui manquait cruellement. Il transbahutait une machine à oxygène pour se déplacer, jusqu'à ses derniers râles.

Hubert Selby Jr, laissait toujours une phrase inachevée pour la reprendre le lendemain. Il nous a offert de terminer la dernière, en pure bouffée d'air. Ne le décevons pas.

Violette Leduc: La laide inspirée

C'est dans un grenier - à l'âge de 13 ans, en farfouillant dans des piles de livres laissés à l'abandon et à la curiosité du destin- que vous découvrez Thérèse et Isabelle un roman de Violette Leduc.

Soudain, les champs épousant la platitude et l'ennui, s'habillent de mille lucioles crachant une flamme essentielle: l'émoi.

Vous comprenez alors que le désir n'a ni sexe, ni morale. Il est furieux. Il vit au-delà de l'entendement. Serti de frénésie aux flagrances de scandale et aux battements d'un coeur rendu fou.

La barrière éventrée de la Passion s'épingle dans chaque parcelle de votre chair. Vous volez dans les sphères de l'interdit.

Vous apprenez, quelques syncopes plus tard, en découvrant toute l'oeuvre de Violette Leduc que le roman Ravages -première version de Thérèse et Isabelle- fut censuré par la respectable maison Gallimard par crainte de poursuites pénales et vécu par l'auteure comme un « assassinat littéraire ».

Ce roman amputé, racontait les amours sulfureuses de deux collégiennes dans un pensionnat de Province. Il abordait le thème de l'homosexualité. Violette Leduc osait braver les années cinquante.

Incomprise de ses contemporains, elle fut néanmoins défendue avec élégance par Beauvoir et Genet qui la reconnut comme « sa soeur en littérature ».

Beauvoir, la cérébrale de glace et Violette Leduc l'intuitive de feu -curieuse complicité que ces deux écrivaines- en état de grâce et de partage.

Née en 1907, Violette Leduc s'échappa de l'écorce terrestre en 1972.

Témoin et actrice de l'évolution de la condition féminine sans toutefois s'impliquer dans la lutte des femmes, elle ouvrit néanmoins par son oeuvre dense -d'une authentique sincérité- la voie royale à une nouvelle écriture. Elle osa passer derrière le miroir avec rage et fourmillement.

L'évolution des mentalités venait de planter ses racines, implacablement.

Très laide et dotée d'un caractère réputé impulsif par ses sautes d'humeur, cette femme d'une sensibilité exacerbée, connue la souffrance d'être née bâtarde.

Sa mère fille-mère et domestique d'une famille aisée fut renvoyée sur le champ lorsque cette dernière prit connaissance de la maternité illégitime.

Deux hommes marquèrent Violette Leduc dans sa vie d'adulte, Maurice Sachs et Jacques Guérin, représentant les doubles du père inconnu.

Les Editions Gallimard ont publié en l'an 2000, dans sa version intégrale, le roman Thérèse et Isabelle.

Violette Leduc sous terre, depuis déjà 28 ans et bouffée par les lombrics, n'a donc pas connu l'émotion de toucher son recueil abouti, vivante.

Mais lorsque je lui ai glissé le livre dans sa tombe. Elle a souri. Puisque je vous le confie !....

Le bruit cristallin d'un talon aiguille sur le macadam

Emballé, c'est pesé...

L'agonie de la truie qui couine en une litanie perçante ne percute que le plat de l'assiette vide. On oublie la douleur de la bête pour se remplir la panse. Plaisir immédiat.

Comment l'animal a-t-il été tué ? ... Noyé dans de l'eau bouillante, tabassé au gourdin, électrocuté en masse, asphyxié dans des camions surpeuplés ? ...

Tout comme certains hommes musardent dans les faubourgs peu éclairés de la ville à la recherche de sexe monnayé, combien se posent la question de savoir comment les frangines de sang atterrissent sur le trottoir et dans quelles conditions. Ils se contentent de payer un service. Un billet contre de la chair fraîche. Puis ils rentrent chez eux, vidés de leur sève embrasser leur femme et enfants. Plaisir immédiat.

Qu'en face d'eux, se présente une jeune fille nubile à peine sortie de l'adolescence ne leur pose aucun problème métaphysique. Après tout, n'a-t-elle pas choisi ce métier et ne contribuent-ils pas par leur geste « altruiste » à l'obole de la misère humaine ? ... L'hypocrisie des consommateurs à la libido peu créative.

Sachant que la Loi du 18 mars 2003 est de mettre fin aux troubles causés à l'ordre public et de lutter contre le racolage, les activités parallèles des proxénètes se sont multipliées dépassant les frontières du visible et de l'entendement pour nager dans les sphères fangeuses et abruptes des réseaux organisés. Les plus barbares.

Des chemins de traverse baptisés Enfer, où des femmes pesées et soupesées comme du bétail, n'ont que le choix de se taire par crainte de représailles. Ne pas subir la mort anticipée, comme les truies assassinées salement.

Peut-on parler de choix, lorsque l'on constate que la plupart des filles venant d'ici et d'ailleurs, sont kidnappées, violées, droguées puis lâchées dans des campements clandestins ou des studios de fortune, muselées et encagées par des maîtres-gigolos ?

Le démantèlement des réseaux n'est pas à l'ordre du jour et ne le sera jamais. Il engendre une économie juteuse que les trafiquants et les corrupteurs ne sont pas prêts à sacrifier mais les PV, les humiliations, les coups-bas pour les travailleuses du macadam pleuvent régulièrement, les empêchant de boucler leur fin de mois et de régler la cantine de leurs enfants. La société les maintenant dans une précarité sociale et sanitaire signifiée.

Alors que la Belgique, les Pays-bas ou l'Allemagne réglementent et reconnaissent la prostitution comme une activité légale, la France flirte avec la tolérance et l'intolérance cadrées, dépendant d'un arbitraire policier.

Avant l'avènement du patriarcat, la prostitution était sacralisée, élevée au rang de profession honorable. Les péripatéticiennes étaient des prêtresses de l'amour. Dès que la société a cessé d'être matriarcale et paganiste, la femme a été décrétée impure et source de persécution.

Le plaisir du pubis qui chante est devenu synonyme de chair à broyer.

Légaliser la prostitution est certainement la seule échappée oxygénante pour protéger l'exploitation des filles de sexe minute.

La bombe à parasites se doit d'être puissante et sans concession pour éliminer les cancrelats mercantiles de la chair.

Après tout une femme peut disposer de son corps comme elle l'entend, à partir du moment où ce choix ne lui est pas imposé.

Et puis une capitale illuminée de lucioles de nuit, est moins triste qu'un dortoir-musée fantomatique. Le bruit cristallin d'un talon sur le macadam tient en haleine l'insomniaque dans le monde des chimères.

N'en déplaise à ceux qui s'insurgent à l'air libre mais qui consomment en catimini. Bardés de loi mal pensées et sans capote.

mardi 25 janvier 2005

Franca Maï selon Louis Monnier

Janvier 2005 Côte de nacre

contact: Louis Monnier photographe 06.15.45.87.75

lundi 24 janvier 2005

Speedy Mata selon Betty Trouillet Librairie les 3 épis/ Carcassonne

Les livres lus et conseillés par les libraires PAGE N°94 Janvier 2005

Franca Maï Speedy Mata Le Cherche-Midi Photographiée par Philippe Matsas Agence opale

Ce court roman commence par un acte de vengeance. Mata, bouleversée par la mort de sa mère qui s'est défenestrée après avoir été licenciée, va tuer pour se venger de ce triste sort. Avec ivresse et désespoir, l'adolescente nous entraîne dans sa folie meurtrière. Retour en arrière: Mata et sa mère vivent seules dans un quartier ouvrier, le père les a quittées. Alors la mère assume tout, et se sacrifie pour que Mata aille dans une école de nantis où elle côtoie la fine fleur de la société. C'est une élève douée, sensible et intelligente, mais une adolescente fougueuse et rebelle. Elle est admirée de tous, mais cache aux autres son milieu social. La vie coule tranquille et heureuse, jusqu'au jour où l'usine Coutinex se délocalise et licencie. Mata apprend par hasard que sa mère n'a plus de travail. Il n'y a pas de mots pour répondre à l'injustice de cette société.

Après « Momo qui kills », Franca Maï nous émeut et nous déroute avec ce nouveau roman au phrasé doux et violent. Un petit texte fort et intense qui m'a laissée sans voix.

Betty Trouillet Lib, Les 3 Epis, Carcassonne.

Ingeborg Bachmann: La femme de Feu

C'est au cours d'une flânerie entre les rayons touffus d'une librairie qu'un jour, vos doigts fiévreux s'arrêtent sur un petit livre: « Berlin, un lieu de hasards » et que les mots d'une poétesse majeure, s'imprègnent à jamais dans votre occiput, sans penser à fuguer.

Vous découvrez après lecture, la femme. Vous apprenez qu'elle est morte, brûlée vive, dans sa chambre d'hôtel à Rome le 17 juillet 1973. Du même feu qui la consumait intérieurement, lui faisant cracher ses entrailles, avec une pudeur facétieuse et déroutante.

Autrichienne, née en 1926, fille de Mathias Bachmann -appartenant au noyau dur des nazis de Carinthie- elle n'aura de cesse de défricher des chemins « pour libérer les Hommes des mots salis par les tortionnaires ».

Elle commence sa carrière en gravitant autour du Groupe 47.

Elle n'arrêtera jamais de dénoncer, au travers ses oeuvres, l'empreinte et l'influence néfastes de la société capitaliste, impérialiste et patriarcale.

Amante malheureuse de Paul Celan et de Max Frisch, elle a traduit poétiquement et philosophiquement, le mirage de vivre en couple.

Réputée mystérieuse, également par ses contemporains, il émanait de sa personne, un souffle incompréhensible, étrange où l'acuité et l'émotivité du regard qu'elle portait sur le monde, étaient accoucheuses de questionnement inachevé.

Il faut lire Ingeborg Bachmann. Pour ne plus se sentir orphelins en ces temps d'intolérance, à répétition programmée.

mercredi 19 janvier 2005

Franca Maï le spectacle de la cruauté Notes de lecture de Marc Alpozzo

Si l'on en croit son éditeur, Franca Maï aurait une voix « proche du blues ». Cette très célèbre forme musicale que l'on doit aux noirs d'Amérique, et qui caractérise d'une part une formule harmonique constante, un rythme lent à quatre temps, d'autre part, le cafard et la mélancolie.

La voix de Franca Maï est une voix cassée : cassée par la violence des comportements sociaux, la barbarie de nos sociétés modernes, cassée par cet idéal humaniste qui ne semble jamais pouvoir se réaliser dans le monde des hommes. La voix de Franca Maï est une voix qui fait de l'apnée en milieu brutal.

Depuis 2002, Franca Maï nous a offert déjà trois romans : un roman par année. Des romans courts. D'une rapidité incroyable.

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Côte de Nacre

Photographie Philippe Matsas agence Opale

Séance photos du 18 janvier 2005, côte de nacre. Trois heures où nous avons appréhendé, la pluie, le vent, la grêle, la neige, le soleil. Les quatre saisons dans l'urgence. Voilà pourquoi j'aime la normandie.

samedi 15 janvier 2005

Célérité meurtrière Une analyse de Marc Alpozzo

Certains romans sont écrits pour dénoncer les petits mécanismes pervers qui nous rendent dépendants d’un système tyrannique, et lutter contre l’inhumanité ambiante qui nous éloigne sans cesse de notre bonheur.

Voici le troisième roman d’une auteure qui, par les sujets, et par un style littéraire tranché dans le vif, ne peut pas laisser indifférent. Son premier roman avait pour personnage principal, un violeur. Le second, un jeune garçon enrôlé dans la guerre d’Indochine et une mère prostituée et toxico. Pour son troisième opus, elle n’a pas abandonné les situations sordides de notre société contemporaine. Elle n’a pas non plus abandonné ces personnages aux petites vies, mais dont le destin tragique en font des personnalités fortes, presque inoubliables. Mata est une de celles-là. Jeune fille de seize printemps, elle vit toute seule avec sa mère dans une HLM, tandis que son père, parti lorsqu'elle avait cinq ans, ne les aide plus, se contentant d’envoyer une simple « carte postale sans adresse d’expéditeur, une fois par an ». Elle voit sa mère travailler « à l’usine du coin, baptisée Coutinex la dévoreuse », et elle sait parfaitement, même si la maman le cache, qu’un plan de licenciement la guette. Mata voudrait aider sa mère. Elle n’aime pas la voir ainsi souffrir. Seulement, voilà : sa mère, une femme qui ne geint pas, qui ne se révolte pas, et qui réserve « toute sa tendresse et sa disponibilité » à sa fille Mata, « malgré la sueur, la fatigue et la répétition des gestes », veut qu’elle aille à l’école, et y travaille comme il faut. Parce qu’elle veut voir sa Mata s’en sortir plus tard, l’emporter sur son propre sort, à elle, cette « petite ouvrière de rien du tout (qui) a engendré une bombe d’intelligence ». Certes, Mata promet d’être obéissante, mais la rage de vaincre, et le sentiment d’injustice la font pourtant dériver vers des sentiers aux pentes très abruptes. Jeune éros sublime, qui contredit l’adage populaire : « sois belle et tais toi », cette bombe sensuelle et sexuelle est bien dotée d’une cervelle qui marche au quart de tour, d’une maturité déjà très en avance pour son âge, et d’une réelle intention de ne pas se taire.

Seize ans et la rage de vaincre

Mata, qui donne son nom au roman, n’est donc pas cette jeune nymphe de seize ans, proie, semble-t-il, facile, si l’on en croit les garçons qui lui tournent autour. Entière, farouche, elle a déjà le sens de la répartie, un esprit critique et cinglant, et une lucidité sans failles sur la violence de notre système : une système sans pitié, sans complaisance avec les faibles, les sans grade, ceux qui triment à l’usine, qui croupissent dans des cités dortoirs, et qui, un beau jour, se retrouvent jetés dehors comme des pions : « Quand un porc licencie et met des milliers de travailleurs dans la rue, ce n’est pas violent !... Il garde les mains propres. Les suicides à la chaîne, les anti-dépresseurs ou la fuite dans l’alcool, ce n’est plus son problème… Il a fermé l’usine, il s’en lave les mains… » Cette acuité à saisir les comportements complices des grands groupes, des patrons, fait de Mata une héroïne qui sait, contre vents et marées, ce qu’elle veut : elle ne veut pas mourir…

Rendre justice aux plus démunis

Alors Mata se rebelle : contre l’usine, la pauvreté, puis les plans de licenciements abusifs. Et contre cette fatalité qui va bientôt s’abattre sur sa mère. Alors, parce qu’il lui semble qu’elle n’a pas le choix, elle choisit : ce sera les armes : « L’état de nécessité, ça percute tes oreilles !... Tu as conscience que le monde dans sa superbe marche sur les SDF, en s’habituant aux borborygmes de leurs ossements. Ça dégage du bon engrais, la saleté humaine !... Je ne vois qu’une seule issue : la violence. » L’injustice, les différences sociales, les coups bas qui accablent les gens de sa condition, Mata entend s’en charger : prendre les armes, et venger sa mère, qu’une poignée d’hommes, d’entrepreneurs retors et menteurs vont finir par spolier.

Rapide et efficace

La trame de ce roman est volontairement minimaliste, plus un prétexte pour Franca Maï de dénoncer un système déshumanisant, et de dresser le portrait d’une jeune fille rebelle, rêveuse, qui pense encore que par les armes on pourra se battre pour un monde meilleur. Où se niche les utopies aujourd’hui ? Sommes-nous encore maîtres de nos destinées, aptes à vouloir un monde meilleur ? Franca Maï par ce roman semble se poser des questions d’ordre métaphysiques, aujourd’hui oubliées dans l’enfer du tout-économique, explorant les thèmes du licenciement, de la condition féminine dans la cité, d'une civilisation de plus en plus violente avec les bas salaires, et les sans-grade. Bref, un roman qui réveillera sûrement quelques consciences endormies. Mata est un personnage radical, sans rémission et sans compromission. Un pur « produit » engendré par la violence et l’agressivité de nos sociétés contemporaines, sociétés dortoirs, ou la plus grande partie des individus sont des ombres réduites au silence. Et Mata, en réaction contre cette infamie anti-démocratique a le sens de la révolte. Le final est bouleversant. Un roman écrit avec un style soigné, et sans fards.

Speedy Mata, Franca Maï, Le Cherche Midi éditeur, décembre 2004, 110 pages, 10 euros

vendredi 14 janvier 2005

LA GAZETTE DU NORD Jeudi 6 janvier 2005

Mère et fille

Franca maï- Speedy Mata (éditions du Cherche Midi -104 pages)

Critique de Vincent Vantinghem

Après des débuts fracassants en 2002 avec Momo qui kills (Au Cherche-Midi), Franca Maï nous revient avec une hargne inchangée(voir ci-dessous). D'une noirceur extrême, Speedy Mata, s'affiche comme la lente descente aux enfers d'une adolescente perdue dans un monde qui tourne à l'envers. Si d'aucuns s'imaginent trouver l'histoire sans cesse renouvelée de l'éternelle ado paumée, droguée en proie à d'éternels doutes, ils se trompent. Car Mata, l'héroïne, est bien plus qu'une jeune fille de 16 ans perdue dans une cité sans lendemain. A l'heure où les jeunes de son âge découvrent les premières amours, elle se bat pour survivre avec sa mère. Le roman s'ouvre d'ailleurs sur cet amour charnel presque viscéral que se vouent ces deux êtres. Entre non-dits et faux-semblants, les deux femmes cherchent la sortie d'un tunnel sans fin. Le boulot minable dans une usine de la mère leur permet de vivre, les résultats probants au lycée de la fille d'espérer. Mais voilà qu'un beau jour le tunnel s'obscurcit encore un peu plus. L'usine ferme. La mère se retrouve sur le carreau. Et la fille ne voit d'autres solutions que de prendre l'argent là où elle le trouve... Si elle ne perd pas la conviction de renouer avec un semblant d'existence, la mère a cessé d'y croire. Et l'issue n'en sera que plus fatale ! Avec une violence exacerbée au possible, Franca Maï nous offre ici une véritable leçon de sincérité bâtie sur le paradoxe. Alors que la haine décuplée au fil des pages nous rappelle par moments les meilleurs passages de Virginie Despentes, son phrasé doux, presque poétique, nous laisse véritablement sans voix.

mardi 11 janvier 2005

Gabrielle Wittkop: La divine vénéneuse

Comme Gabrielle Wittkop revendiquait de vivre en « homme libre », elle a choisi sa mort en se suicidant à 82 ans.

Née en 1920 à Nantes, cette auteure étrange, a agenouillé la faucheuse le 22 décembre 2002 à Francfort dans le silence de son quarante mètres carrés, quelques jours seulement avant que la bouche édentée de la mère Noël, ne répercute dans les cheminées, les rires d'enfants qu'elle détestait.

Auteure d'une oeuvre non volumineuse -dérangeante au-delà de toute morale- cette femme sophistiquée, laisse derrière sa chair et ses os, une écriture d'orfèvre, ciselée, pointue, cruelle entraînant le lecteur vers des rives d'une sensualité macabre. Sa constance à déterrer l'inavouable des désirs enfouis relève de l'empathie implacable ainsi que d'une grande curiosité des tourments humains. Derrière le miroir.

Au décès de sa mère -à ses six ans- elle fut élevée par un père fantasque . Elle aima et séduisit des femmes dans sa vie d'adulte, sans jamais pouvoir vivre avec une, les désignant avec une « misogynie » affichée, comme mollassonnes et passives . Elle leur préféra Justus, un homosexuel Allemand avec lequel elle vécu quarante ans, qu'elle cacha pendant la guerre avant de l'épouser et de le suivre en Allemagne. Cet amour interdit lui fit perdre sa magnifique chevelure puisque qu'elle subit l'opprobre de la « tonte ».

A défaut de progéniture qui lui provoquait des allergies, elle accoucha, d'une dizaine de romans et recueils de nouvelles, dont son livre culte « le nécrophile » où l'amour physique de Lucien pour les cadavres entraîne paradoxalement leur décomposition accélérée. Une exploration des entrailles de l'âme humaine, sans concession. L'amour dépourvu de limites. Le droit aux derniers spasmes voluptueux des allongés livrés à la terre et aux lombrics.

Telle une fleur vénéneuse et rare, dont on sait que le poison s'infiltrera en nos veines, Gabrielle Wittkop a eu l'élégance et la pudeur de placer le lecteur en position de manque.

Dans cette littérature aseptisée et formatée qui s'affiche chaque année sur les étals des libraires, la prose de la Divine Wittkop, est une cicatrice béante.

Le nécrophile Gabrielle wittkop une collection dirigée et présentée par Jean-Jacques Pauvert La musardine (1998)

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jeudi 6 janvier 2005

SPEEDY MATA

Une critique de Séverine Capeille sur sistoeurs.net bellaciao.org e-torpedo.net etc...

Elle. Il n’y a qu’elle dans la vie de Mata. Une mère qui remplit l’univers, comme un soleil qui chauffe, réchauffe toujours plus fort, et ne brûle pas. La mère dans le désert, un « roc » que rien ne peut casser, un oiseau dans la tempête, un refuge solitaire où les rêves se mélangent au sable et à la pureté. Une mère dans une HLM de cité. Seule. Le père s’est tiré. Il y a « elle » et Mata. La mère et la fille, la fille-mère et la mère-fille. La féminité. L’amour inconditionnel, l’amour à mort, l’amour au milieu des absences et des tombes alignées.

Speedy Mata se lit à travers des silences. Ceux qui précèdent les sommeils où les beautés se révèlent, où les questions s’effacent dans l’inconscient. Il y a le silence asphyxiant, le silence primaire qui entoure le nom du père, indifférent. Le silence des symboliques qui s’éparpillent au vent. Le silence sur le nom de la mère, qui a oublié d’être femme, qui donne, porte et emporte la vie, qui est la « maman » jusque dans l’infini de l’âme. Et tous les silences de la nuit. Le silence des cris étouffés, des sommeils éternels... Le silence des licenciés qui montent au ciel. Le silence de la chute d’un oiseau, celui des pactes d’amour, des gris-gris de l’espoir et celui des plus beaux cadeaux... Le silence des lettres cachées, du fric que l’on donne en taisant les errances pour le trouver... Le silence qui tue, sans trace, entre les dents serrées... Ce roman se comprend dans les silences de la dignité. Ceux que le lecteur doit interpréter, lire avant que la fenêtre ne s’ouvre, avant que la mère ne se jette dans le vide pour un très long sommeil. La mère, ou toute l’humanité. C’est pareil.

Il y a trop de silence. Mata va tuer, signer la distance parmi les désassortis de la société. Elle va mordre, elle va arracher de ses dents les injustices et les vies saccagées, emballées dans les cartons des huissiers, des menteurs et des croques coeurs toujours pressés. Elle va répondre aux seaux jetés, aux larmes salées, aux bruits de pas dans l’escalier. Elle va donner la mort. Il fait si froid quand on lit Speedy Mata. Il y a la sirène des pompiers en fond sonore. Et tout va très vite. Les possibles s’asphyxient au rythme des trains que la lycéenne regarde pour voyager, au rythme de la chute libre d’une femme défenestrée. Une balle touche le lecteur.

L’injustice s’hérisse, la peau est transpercée. Mata tombe dans les hommes. Sa maman s’est suicidée. Le rêve de propreté baigne dans son sang, abandonné. Ils ont menti, ils n’ont pas tenus compte de la fatigue, de la vie sacrifiée dans l’usine. Ils ont fermé. Speedy Mata, c’est la vitesse et la tristesse des promesses piétinées. C’est un « M » écrit sur le papier. Une majuscule avant le souffle coupé : Maman. Avec un point final désespéré. Un « M » formé de deux montagnes fières, inséparables, élevées au-dessus des bassesses de la société. Une lettre écrite au scalpel, dans la fièvre et l’insomnie. Pour ne pas oublier.

Franca Maï parle de l’existence qui se glace au rythme des impayés, de la mort qui se déguise en vacances quand l’espoir a fugué. De la souffrance et de la force, dans la même proportion. Elle observe l’indifférence, la vengeance, l’humiliation... Elle répond à la question qui se dit tout bas : « Comment peut-on en arriver là ? ». Elle y répond et elle montre du doigt. La seule vraie question ne serait pas « Comment », mais bien plutôt « Pourquoi ».

Speedy Mata Franca Maï Cherche-Midi Editeur En librairie le 6 janvier 2005

SENS INTERDIT: P2P

« C'est la loi. Il faut appliquer la loi. Il faut punir les gens qui dérogent à la loi »

C'est le credo répétitif et obsessionnel de Sophie de Menthon, présidente d'Ethic et fondatrice de la Fête de l'entreprise dont le slogan est « j'aime mon entreprise » à propos du téléchargement illégal sur internet et des supposés « pirates ».

Propos entendus lors d'une retransmission « les grandes gueules »/ RMC, téléchargée via internet sur les conseils d'un ami-collaborateur.

Madame la duchesse -à la coupe au carré implacable- aime les trottoirs bien ordonnés et les sardines-ouvrières si possible en conserve, baignant dans une félicité béate.

Avec une voix de crécelle - haut perchée- cette dame patronnesse vous assène, sourire lyophilisé que « 89% des salariés français ont une bonne opinion de leur entreprise. L'entreprise étant un patrimoine national ». Je vous laisse vous promener allègrement sur son site traitant cyniquement du meilleur des mondes. Vous le dénicherez sans aucune difficulté.

Dois-je rappeler à cette dame qu'avant l'émancipation du sexe dit faible, la loi discriminatoire interdisait aux femelles d'ouvrir la bouche, de voter (1944), d'avoir des opinions, d'avoir des droits égaux à ceux de l'homme dans tous les domaines (24 octobre 1946), de disposer de leurs biens personnels et d'exercer librement une profession (1965), etc... Pourtant c'était la loi.

Heureusement que nos aïeules amazones ont lutté férocement pour contrer un état dit naturel et pour changer le cours de notre destin de pécheresse d'Adam.

Une loi contre le piratage sévit actuellement et se dessine méthodiquement dans le paysage culturel acculant des personnes -qui pourraient être un frère, une soeur, un voisin ou vous-même- au pied du mur, les transformant en de monstrueux délinquants.

La police débarque un matin, saisit vos ordinateurs, vos CD et vous vous retrouvez épinglé comme une vulgaire cantharide au mur, avec une menace de 5 ans d'emprisonnement et une amende frisant l'absurde. Nourrir l'industrie du disque repue et ventrue, n'est certes pas une sinécure.

On fait d'un professeur altruiste -qui a eu la malheureuse idée de télécharger des titres pour les faire partager à la communauté internaute-, le symbole du voyou parfait. On livre son nom, sa vie, ses émotions, sa réputation en pâture et à la vindicte du bon sens populaire. On le frotte aux griffes acérées de la justice.

Allez faites-moi rire encore, chère Madame avec votre Ethique.

Si nous nous penchions un peu sur les cas des harcèlements, des licenciements et des candidats au suicide engendrés par vos paradis artificiels baptisés entreprises...

Mais il est vrai, que certains morts sourient au seuil du voyage éternel. Les spécialistes du rituel funéraire connaissent les usages et les convenances de votre milieu. Surtout ne pas faire de vagues. Ne pas déranger les bâtisseurs du néant.



Il faut donc scrupuleusement appliquer la loi même si celle-ci présage d'un goût douteux pour une culture formatée et bien policée.

Si nous nous penchions maintenant sur l'industrie frelatée du disque. Qui sont les voleurs, ceux qui vendent des CD à 20€ composé de deux titres valables et 10 titres de remplissage ou ceux qui choisissent de ne plus se faire détrousser déloyalement et qui le manifestent facétieusement ?

Et puisque, Madame Sophie de Menthon, vous aimez tant la loi, appliquez-la également aux membres d'AD qui devraient bénéficier légalement de la loi Kouchner mais qui croupissent toujours en prison.

Au moins vous trouverez une utilité à l'éthique de l'application de la Loi.

Et vous servirez à l'équilibre d'une société dite démocrate.