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Mata est ado et habite une cité en banlieue, ban à des lieues de son prestigieux lycée : elle tâche de cacher son jeu, ça ferait tache auprès de ses camarades plus favorisés. Mais elle a la rage, celle des écorchées vives : l’injustice en a fait une révoltée jusqu’au bout des ongles...

Les soirées branchées dans les domiciles de ses amis d’école saoulent Mata la féline, et pour cause : « ma mère peut trimer toute sa vie et s’écailler la santé, jamais ses pieds ne fouleront une demeure pareille. Elle peut tout juste prétendre à un pavillon tristounet, cloné à perpète et à crédit (p.40) ». Car les dés sont pipés, et personne de ses amis ne sait encore où elle habite. Mata donne le change, mais cela ne change rien à son quotidien ; en plus, la boîte qui emploie sa mère menace de licencier, un plan social pour mieux délocaliser. Sa mère est mère célibataire, et elle se saigne pour donner à sa fille unique la bonne éducation qui lui permettrait d’avoir une meilleure vie : d’ailleurs, elle ne connaît pas les amis de Mata, elle pense que sa fille a honte de les amener chez elles...

Nous ne sommes pas du même milieu...

Le ton est très ‘jeuns’ et cru, comme dans la réalité. A l’école, les garçons n’ont qu’une idée derrière la tête : s’offrir de la femelle, soirée ou pas. Et ça bézouille pas mal à cet âge, du moins, dans ce milieu. Or Mata est canon, alors ils fantasment. Elle en joue d’ailleurs. Mais ce ne sont que des petits branleurs, même pas cap’ de réussir leur coup, que Mata tourne à son avantage, simplement et intelligemment. Normal, les muscles féminins, c’est dans la tête. Du coup, « au lycée, depuis leur épopée ratée, les trois blaireaux n’osent même plus me regarder dans les yeux. Arnaud fuit mes pupilles comme la peste, mais personne ne me cherche des noises. Nous sommes liés par un pacte. Celui de la lâcheté suprême. Je me concentre sur mes études et le défi ultime est de dépasser mes propres bonnes notes. Je sais que cette décision les rend dingues et qu’ils s’épuisent à tenter de me battre. Les profs surveillent ce manège, le regard amusé, car du coup la moyenne de la classe remonte (p.97) »...

Parce que Mata a cette coquetterie : jolie, intelligente, et bonne élève... Mais ça ne lui fait pas tourner la tête, elle a le sens des réalités, genre pessimistes. Mata fonce, c’est une rapide, elle est vive et n’aime pas les mollassons, ni même le beau ténébreux qui la fait flancher et avec qui elle couche, mais qu’elle trouve trop mollasson. Tout comme cette cruche de servante qui travaille dans la baraque d’un copain de classe nanti, qu’elle surprend à piquer des canapés et à qui elle dit, les yeux dans les yeux : « si tu niques les bourges, fais-le sans tiraillement de culpabilité. Ne courbe jamais l’échine. Regarde-les faire, ils te donnent la leçon. C’est ce complexe d’infériorité qui brouille la donne. Assume. Tu es payée combien pour assister à cette pitrerie ? Combien pour les mains aux fesses ou te faire troncher dans l’allée à 5 heures du matin, lorsqu’ils confondront la nuit, la queue, la chatte et les latrines ?... Comprends bien, Besancenot se fera mettre jusqu’au cou parce qu’il roule à vélo et qu’il affiche un sourire de nain de jardin. Ne fais pas semblant de ne pas comprendre et arrête de trembler, tu m’agaces... Ce n’est pas moi qui te balancerai ! (pp.43-44) »...

Une tendre au tempérament de feu

Mata démarre déjà au quart de tour en temps normal, alors quand l’injustice s’en mêle, ça fait encore plus d’étincelles : témoin de la vendeuse qui houspille une femme faisant les poubelles, Mata s’en prend à elle, couteau à la main : « dis-moi, pétasse, ça te plaît de balancer de l’eau sur des êtres en dérive. Tu mouilles ta culotte quand tu humilies une femme au bout du rouleau... Qu’est-ce que ça peut te foutre qu’elle aille fouiller dans les ordures de ton employeur pour bouffer ? (p.48) ». Et comme dans Momo qui kills, il ne fait pas bon être plein aux as aux dépends de la valetaille qu’est le peuple à leurs yeux...

Mata, décidément trop mûre pour son âge, sait déjà ce qu’apprennent à la dure ceux qui ont les yeux en face des trous : « quelquefois, connaître la vérité, c’est plus sain que d’échafauder des histoires qui te minent à vie à cause d’une imagination trop débordante, mais quelquefois, l’appréhender et comprendre la destruction d’un couple, ça t’enfonce encore plus (p.52) »...

Mieux, c’est une âme généreuse, qui tentera l’impossible pour donner un peu de joie à sa maman chérie, dont elle brosse ce portrait émouvant d’empathie : « je ne lui connais aucun amant. Je ne l’ai jamais vue au bras d’un homme et je trouve cela dommage. C’est ce petit plus qui lui donnerait l’apaisement dont elle manque. Elle est attachante. Souvent, je l’observe à son insu. Sa manière d’aborder le quotidien m’émeut. Elle laisse traîner ses serviettes hygiéniques partout comme un félidé marque son territoire. C’est sa façon de dire qu’elle est femelle et bien vivante (p.21) »... Car sous ses muscles tendus de panthère rebelle, Mata est à cran, et elle le sait même si elle se donne une autre apparence : « il me caresse la tête avec douceur et je sens que je vais craquer, que le chagrin remonte à la surface et que je vais me transformer en fontaine (p.47) »...

-critique de Romain Salgari

Speedy Mata
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Franca Maï

Cherche-Midi Editeur

SBN n° 2 74910 335 5

112 pages 14 x 21,

10 € ttc France
(2005)

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Franca Maï
Crédit Photo : LOUIS MONNIER (2004)

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