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Crescendo dans la Tribune de la Région Minière


LA TRIBUNE DE LA REGION MINIERE
du 11 février 2009

N°3318 page 4

Une critique de Lucien Wasselin

UN CONTE POUR AUJOURD’HUI

Malou, la narratrice, assiste à un accident sur l’autoroute. La passagère du véhicule accidentée, une enfant, meurt et sa mère, la conductrice, est affreusement brûlée. Dès lors la vie de la narratrice va basculer car elle devient étrangement proche de cette inconnue blessée dans son corps et dans son esprit et “enquête” pour essayer de trouver des raisons à cet accident. Le roman s’ouvre donc sur une situation peu vraisemblable (cette identification de la narratrice à la conductrice brûlée et l’enquête) et prend une vague allure de polar...

Mais au-delà de cet aspect somme toute anecdotique, il y a une femme mal dans sa peau qui s’invente une autre vie par le hasard de cet accident de la route.

Et c’est l’occasion pour Franca Maï, à travers sa narratrice, de faire le portrait sans concession de l’époque car ce roman, Crescendo, est en prise avec le réel.

Portrait d’une époque : Franca Maï, pour donner du corps à son histoire, présente la vie de Malou au travers d’une trentaine de pages lestement enlevées. Une vie terne, la débrouille pour s’en sortir, l’addiction aux jeux vidéo et à internet, le divorce, les enfants avec quelques problèmes, les petits boulots, les factures impayées, l’électricité coupée, la surdité des interlocuteurs, l’adultère et ses drames que l’on pressent.... Les phrases sont courtes et sèches, les chapitres brefs : une scène, un flash-back, un état d’âme, retour au présent... : on pense à une écriture cinématographique, c’est nerveux et ça évite de tomber dans le misérabilisme. Les situations sont parfois kafkaïennes et le lecteur peut apprécier quelques figures vivement brossées. Mais ce qui ressort ici avec Malou, c’est la vie quotidienne d’une famille monoparentale animée par un goût de vivre très vif sur fond de mal vie, Franca Maï écrivant “... beaucoup de jeunes en quête de repères, allergiques à la société capitaliste, refusant de cautionner un système qui ferait d’eux de futurs esclaves”. On est loin des forts en thème des établissements (pas toujours) bourgeois qui ne rêvent que de devenir traders ! Franca Maï égratigne, en passant, bien des clichés complaisamment véhiculés par les grands moyens de communication relayant l’idéologie dominante.

Mais ce roman n’est pas lourdement démonstratif. L’enquête se déroule et Franca Maï emprunte aux ressorts des polars : noirceur de certains personnages, érotisme inquiétant, perversité (j’ai même pensé à l’atmosphère de certains romans de Robin Cook, l’auteur de la Série Noire, pas l’autre...) Par contraste, le goût de vivre de Malou et de ses enfants devient lumineux même dans les moments les plus glauques. Franca Maï mène son livre avec beaucoup d’habileté, si elle dénonce des turpitudes elle sait faire la différence en remontant à la motivation des personnages. Si elle condamne sans ambages les turpitudes d’une certaine bourgeoisie qui, ici, veut effacer une mésalliance, elle fait preuve d’indulgence et de tendresse pour celles auxquelles sont contraintes des femmes qui vendent leur corps pour élever leurs enfants ou payer les études.

Franca Maï dit alors les choses avec une délicatesse qui fait ressortir plus violemment ces situations.

C’est une approche humaniste de la prostitution qui finalement dénonce l’exploitation de la misère du monde. Et mine de rien, Franca Maï aborde par les situations qu’elle imagine quelques-uns des thèmes qui agitent la société. Ainsi celui de l’euthanasie que traite au hasard d’une page ou d’une autre. Franca Maï avec beaucoup de liberté, sans dogmatisme et sans jamais donner de leçon... Tout cela est bien grave.

Mais que le lecteur se rassure : le roman finit bien. C’est que l’appétit de vivre de la narratrice et sa volonté de répandre le bonheur autour d’elle sont plus forts que tout. Et que, finalement, Crescendo n’est pas un roman mais un conte, philosophique certes, mais un conte comme on n’ose plus en écrire aujourd’hui...

(JPG)

Franca Maï

Crescendo
Le Cherche Midi éditeur 204 pages 15 euros
En librairie


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